Quand le faubourg de Salzinnes fut une commune autonome
D'après Isy LALOUX (Vers l’avenir 28/01/1958)
Le soir du 15 Mai, des officiers allemands se présentèrent à l’Hôtel de Ville de Namur où les attendaient le maïeur Huart et les membres de son Conseil qui n’étaient pas sous les drapeaux. Il y avait là, entourant le maïeur : Monsieur Woitrin, Servais, Dosimont, Paquet, Suars et Vrithoff, ainsi que le secrétaire Gillet. Les Allemands furent surpris de trouver les autorités namuroises en aussi grand nombre et l’un d’eux ne peut s’empêcher de dire au maïeur Huart : Vous êtes le premier bourgmestre Belge que nous trouvons à son poste ». A l’issu de cette mémorable séance, le Conseiller communal Virthoff regagna son domicile en passant sur l’écluse de la Rue des Brasseurs, seul passage utilisable sur la Sambre dont les ponts avaient été détruits par le Génie Belge. Il ne pouvait s’imaginer que le faubourg namurois allait vivre un épisode unique dans son histoire.
Deux jours plus tard, en effet, ainsi l’avait voulu l’occupant, Salzinnes était devenu une commune autonome. Le faubourg était, nous l’avons dit, complètement isolés, séparé de la ville par la Sambre. Aucun véhicule ne pouvait l’atteindre et les Allemands qui occupaient le « Château » de la citadelle tenaient sans doute à avoir un responsable sous la main. Aussi, dès le 17mai avaient-ils exigé que Salzinnes ait sa propre Administration. Comme plus ancien membre salzinnois de l’administration namuroise, Monsieur Vrithoff fut tout naturellement désigné comme bourgmestre, et il faut le dire, il sut se montrer à la hauteur de sa tâche. Il installa son « Hôtel de ville » au café Housse à l’angle de la rue du Belvédère et de la chaussée de Charleroi. (Ce café aujourd’hui disparu a fait place au monument des combattants Salzinnois). Monsieur Vrithoff s’était réservé une cour vitrée attenante au café. Il y siégea presque en permanence avec ses Conseillers, Monsieur Suars (autre Conseiller namurois), Dewanseleer, Dehoux, Mahaut et Raspoet. Le Secrétaire communal fut Monsieur Penin, fonctionnaire de l’Hôtel de Ville. La population de Salzinnes comptait, à cette époque, 2.500 habitants. Le maïeur organisa immédiatement ses services communaux : surveillance, entretien des rues, etc. A cette époque, un peu partout, quelques individus peu scrupuleux s’affairaient à piller les maisons inoccupées. En l’absence d’une forte police, on mit fin à leur activité de façon décisive. Monsieur Vrithoff fit réquisitionner des matelas et des couvertures abandonnés dans l’hôpital militaire ainsi que des marchandises sauvées de magasins en péril. Le tout fut entreposé dans un local approprié qui devint la réserve de l’Assistance Publique. Pour hâter ces transports, le bourgmestre de Salzinnes avait réquisitionné le camion hippomobile du boulanger Toussaint. Monsieur Vrithoff avait également récupéré deux robustes chevaux de trait qui, abandonnés par l’armée Belge, erraient dans le quartier des Balances. Attelés à des tombereaux, ces chevaux furent employés au service « Nettoyage et déblaiement ». Les Allemands, jaloux de ces deux robustes chevaux, se disposaient à les confisquer et Monsieur Vrithoff dut faire appel à toute son adresse et toute son éloquence pour obtenir qu’ils restent propriété de la Ville. Monsieur Vrithoff s’occupa aussi d’héberger à la Maison des Œuvres (Forum), les pensionnaires de l’Hospice Saint-Gilles qui avaient échappé aux bombardements. Salzinnes eut aussi son cimetière communal. Celui-ci se trouvait dans les terrains vagues où s’élève aujourd’hui le Quartier des Balances. Des civils, des soldats belges et français ainsi que deux allemands ( !) y furent provisoirement enterrés. Chaque jour, le « bourgmestre » de Salzinnes traversait le Sambre en barque ou sur l’écluse, pour aller donner à son « collègue » de Namur, des nouvelles de sa commune. Pendant ce temps, la vie reprenait tant bien que mal à Namur. Bientôt, un pont de bateaux provisoire était établi en aval du pont d’Omalius (de la Libération) détruit. Le passage était rétabli entre Namur Ville et le faubourg. A la fin du mois de mai, la commune autonome de Salzinnes rentrait dans le giron de l’Administration namuroise.