Une ancienne industrie Salzinnoise : Les Briqueteries
D’après Jean JACQUET
« La vieille industrie locale était celle des briqueteries », écrit Félix Rousseau (1). Celles-ci s’élevaient sur les premières pentes vers la Citadelle. Des Briqueteries sont déjà signalées au Xè siècle.
Jusqu’à la guerre de 1940, il y eut en effet des briqueteries et des briquetiers à Salzinnes. Et si l’on découvre tant de brusques dénivellations, on les doit à l’extraction des « terres à briques ».
Au début du siècle, on parlait des briqueteries Mouthuy, Wiame, Besonhé, Ciparisse. Chaque entrepreneur de maçonnerie fabriquait souvent ses briques ; c’est ainsi que Rhodius avait son chantier à la Gueule de Loup (méandre de la Sambre formé, côté montagne, en face du dépôt TEC de Salzinnes – NDLR).
Un Salzinnois nous a donné des précisions sur le travail des briquetiers : son père se levait à quatre heures du matin, commençait à six heures et terminait à huit heures du soir. Le travail consistait en premier lieu à extraire l’argile des talus, grâce à de grandes barres de fer ou des tiges de bois. C’étaient de gros blocs compacts qui étaient amenés ensuite vers l’endroit où on allait les débarrassés de leurs cailloux (2). Puis la terre était pétrie par le piétinement des ouvriers débarrassés de leurs chaussures. L’argile ainsi ramollie était apporté vers les tables (3) où le mouleur la tassait dans les moules. Ajoutons ces détails d’un autre Salzinnois : chaque équipe comprenait un pétrisseur qui préparait le mortier, un mouleur et deux porteurs (des enfants qui, toujours pieds nus, transportaient, en courant, le moule rempli d’argile et le vidait prudemment sur la couche de sable épandue au lieu de séchage).
Il y avait ainsi trois équipes de rotation qui occupaient trois hommes et deux enfants (4). Un mouleur fabriquait en moyenne 600 briques par jour (5).
La cuisson se faisait ordinairement à feu courant (6). L’équipe comprenait trois rouleurs au four, plus un enfant pour le charbon. Un four pouvait contenir cent mille briques dont environ 20% imparfaitement cuites ou présentant des difformités (présence de cailloux). Ces dernières étaient employées pour les refends. Si le séchage durait un mois, la cuisson, elle aussi, s’étendait sur plusieurs semaines. La fumée dégageait une odeur âcre qui polluait le voisinage, aussi le four Mouthuy de la rue du travail fut-il contraint à la fermeture lorsque les habitations devinrent plus nombreuses dans le quartier.
Les salaires ont varié selon les époques. « Vers 1850, écrit Félix Rousseau, un bon ouvrier gagnait un franc par jour, la plupart touchaient moins (7). Vers 1910, il gagnait 4,50 fr. La première quinzaine d’un garçon s’élevait à cette époque à 11,50 francs dont il gardait 25 centimes comme argent de poche. En 1930, le gain était de 20 francs aux mille briques pour la fabrication. »
S’il se nourrissait frugalement (pommes de terre au lard et légumes du jardin), le briquetier avait souvent soif. Il emportait chaque jour sa provision de « pèket » qui, tout au long de la journée lui rendait « force et courage. » Les dimanches, il se rendait régulièrement dans l’un des différents cafés de Salzinnes.
Nous terminerons cet article en rappelant que de nombreux flamands travaillèrent aux briqueteries de Salzinnes. Ils logeaient dans des baraquements élevés au voisinage des chantiers.
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(1) Cfr. Art de Rousseau « Salzinnes et les Franciscains. »
(2) - Les briquetiers se servaient spécialement de la houe, de la bêche et du « palot », pelle au petit manche. L’entreprise Mouthuy fut la première à employer le broyeur qui permettait d’utiliser les cailloux.
(3) - Il y avait une équipe de porteurs munis d’une planche accrochée au dos et sur laquelle s’entassait la terre glaise. Et chacun s’en allait constamment au pas de course.
(4) - On allait aux briques très jeunes et, pendant l’été, les petits briquetiers circulaient pieds nus pour ne pas user les chaussures.
(5) - Le mouleur avait constamment à côté de lui un bac d’eau pour nettoyer les outils et du sable dont il saupoudrait chaque fois le moule avec une dextérité remarquable car il fallait faire vite. Précisons ici que pour se préserver les mains, les ouvriers possédaient des « maniques », gants de cuir percés au pouce et à l’auriculaire ; ces doigts étaient préservés par des lanières qui les recouvraient en partie.
(6) - Les briques disposées obliquement laissaient entre elles des couloirs d’aération qui permettaient au feu de s’animer, de se répandre et d’atteindre le haut four. Une couche de terre glaise entourait l’amas de briques, laissant quelques ouvertures vers l’extérieur. Il y avait aussi des paillis pour préserver des vents violents.
(7) - Cfr. Art Rousseau op. Cit.